Les dynamiques démographiques des espaces ruraux (1968-2012) : Entre revitalisation autonome et périurbanisation
Camille Dessarts * , Aurélien Dasré  1@  
1 : Genres, Travail, Mobilités  (GTM)  -  Site web
CNRS : FRE2817, Université Paris X - Paris Ouest Nanterre La Défense
59 Rue Pouchet 75849 PARIS CEDEX 17 -  France
* : Auteur correspondant

Après une longue période de décroissance démographique, les espaces ruraux connaissent depuis les années 1990 une phase d'accroissement de plus en plus intense. Ces espaces ont vu augmenter les flux migratoires venant des zones urbaines et, plus récemment, connu une reprise de leur taux d'accroissement naturel.

Pour expliquer ce dynamisme, plusieurs hypothèses sont avancées. Certaines d'entre elles insistent sur la revitalisation économique autonome de ces espaces. L'usage des espaces ruraux se modifierait et de nouvelles fonctions s'y développeraient. Ces espaces bénéficieraient du développement du tourisme dans les régions côtières et montagnardes, mais également du développement d'une économie présentielle (care) liée au vieillissement.

 Vu sous un autre angle, cet accroissement démographique des espaces ruraux n'est pas sans rappeler un autre phénomène: celui de la périurbanisation. Les jeunes ménages ,à la recherche d'un logement spacieux à prix abordable ,seraient contraints de s'éloigner de plus en plus loin de leur lieu d'emploi. La croissance des espaces ruraux serait alors la résultante du développement de la fonction résidentielle sur le modèle des zones périurbaines.

A partir d'une approche démo-spatiale, cette communication se propose de discuter de la réalité démographique de ces deux hypothèses en se basant sur une étude rétrospective de long terme des territoires ruraux.

Pour mener à bien cette recherche, nous comptons isoler les facteurs de cette dynamique démographique ; d'une part par le biais une étude descriptive de l'accroissement démographique et de ses composantes et, d'autre part, par l'étude des caractéristiques socioéconomiques des migrants ruraux .

  • Méthodes et sources.

 

Pour analyser les facteurs de l'accroissement démographique des espaces ruraux, il faut retenir une définition précise et sans ambiguïté de ce que sont ces espaces. Raison pour laquelle le zonage en aires urbaines de 2010 a été retenu. Ce choix méthodologique permet de limiter l'analyse aux espaces les plus ruraux du territoire français. L'utilisation d'un zonage récent permet en effet d'exclure les espaces ruraux devenus périurbains sur notre période d'analyse. Ce choix permet de retenir les espaces considérés comme totalement ruraux ce qui permettra de comparer leur dynamique à celle des espaces périurbains sur une période longue.

Pour étudier les dynamiques démographiques de ces espaces sur un temps suffisamment long tout en disposant de données exhaustives et localisées, nous avons mobilisé des données issues du recensement général de la population de 1968 à 2011. [1]

A partir de ces données, nous proposerons une typologie territoriale composée de quatre groupes de communes rurales discriminées en fonction de l'intensité de leur croissance démographique

 

  • Résultats préliminaires :

 

Pour l'ensemble des groupes de notre typologie l'immigration est le facteur principal des dynamiques démographiques. Nos résultats laissent apparaître une certaine ressemblance des profils des 4 groupes avec un décalage temporel d'une dizaine d'années. Cela suggère une évolution en étapes avec une augmentation progressive des taux d'immigration suivie par la remontée des taux d'accroissement naturel.

 Que ce soit dans le cadre d'une revitalisation autonome ou d'un phénomène de périurbanisation, le rôle de l'immigration est fondamental. Raison pour laquelle nous proposons d'étudier successivement pour chacun de ces groupes : le profil par âge des migrants, leur provenance géographique, et enfin, leurs lieux et types d'emplois.

Nos premiers résultats laissent apparaître que:

  • L'immigration rurale provient majoritairement des individus âgés de 25 à 49 ans accompagnés de leurs jeunes enfants dans les espaces les plus dynamiques démographiquement. Les personnes âgées représentent pour leur part un poids important pour tous les groupes de notre typologie.

 

  • Les migrants vers les espaces ruraux sont des actifs qui proviennent majoritairement de « grands-pôles » urbains. Pour l'ensemble des espaces ruraux, le poids des anciens urbains dans les flux migratoires augmente de façon continue sur la période.

 

  • Enfin, s'il apparaît que ces migrants travaillent majoritairement dans les pôles ruraux une diminution du poids des actifs travaillant dans un « pôle rural » et une augmentation du poids des actifs travaillant dans « les pôles urbains » sont observées sur toute la période et pour tous les groupes de notre typologie.

 

L'analyse de nos résultats préliminaires laisse donc entrevoir que les espaces ruraux connaissent un accroissement démographique du fait de l'immigration de jeunes actifs d'origine urbaine et travaillant de plus en plus dans des espaces urbains. Ce profil est plus ou moins marqué en fonction du degré de dynamisme du groupe de communes de notre typologie, mais ces tendances générales se renforcent depuis la fin des années 60.

Difficile donc d'associer l'accroissement démographique des espaces ruraux à un schéma de revitalisation autonome ou de périurbanisation. D'un côté Il existe une immigration de plus en plus forte de jeunes actifs avec de jeunes enfants provenant et travaillant au sein de « grands-pôles » urbains qui ressemble à une dynamique de périurbanisation ; de l'autre côté, la forte immigration des seniors, mais également le poids important des actifs travaillant sur place renforce l'hypothèse de reconstitution des espaces ruraux, notamment portée par le développement de l'économie présentielle. A ce stade de la recherche, la coexistence des deux schémas semble la plus probable mais reste à démontrer.

C'est pourquoi, notre recherche proposera une analyse plus détaillée du profil socio-économique de ces migrants, que ce soit au niveau individuel, ou au niveau du ménage. En effet, s'agissant très probablement de migrations de couples, approcher la localisation différentielle des emplois entre conjoints devrait permettre d'apporter des éléments de réponses complémentaires.


[1] Données CMH, le réseau Quételet et l'enquête saphir.


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