La fécondité des populations afro-descendantes vivant dans la vallée du Maroni, fleuve frontière entre le Suriname et la Guyane française
Claude Conan  1@  
1 : CONAN  (CRIDUP)
Université Paris I - Panthéon-Sorbonne, IDUP

Les habitants actuels de la vallée du Maroni sont les descendants des esclaves qui se révoltèrent au 18ème siècle contre le système esclavagiste de la Guyane hollandaise (Suriname aujourd'hui) et partirent maronner dans les grands bois, où ils forgèrent une culture tout-à-fait à part. Ce sont les peuples Bushinengué.

Pourquoi étudier la fécondité de ces populations ?

La Guyane, dans son ensemble, se singularise par une fécondité élevée, plus proche de celle d'Haïti que de celle des autres départements français d'Amérique que sont la Martinique et la Guadeloupe. Ces derniers ont une fécondité proche de celle de la France métropolitaine : 2,0 enfants par femme.

En Guyane, l'Indice Conjoncturel de Fécondité est de 3,5 en 2013.

Le sujet de notre étude porte sur les déterminants de cette fécondité élevée en Guyane.

L'INSEE ne décline pas l'Indice Conjoncturel de Fécondité par commune quand les effectifs sont trop faibles pour que l'ICF soit significatif. Néanmoins, d'autres indicateurs laissent penser que la fécondité des communes situées à la frontière du Suriname est particulièrement forte. C'est pourquoi nous avons orienté notre recherche sur les déterminants de la fécondité dans la vallée du Maroni.

Nous avons mené une enquête questionnaire auprès de 985 femmes des principales communes de cette vallée du Maroni du côté de la Guyane française : Saint-Laurent du Maroni, Grand-Santi et Maripasoula. Il faut ajouter la commune de Mana dans laquelle vit une importante communauté bushinengué. Nous avons interrogé également 248 hommes.

Les enquêtes ont été menées par des femmes issues de la communauté bushinengué, auprès de la patientèle des centres de santé et des centres de Protection Maternelle et Infantile, puis dans le cadre du porte-à-porte dans les quartiers.

Le questionnaire est organisé autour de 4 thèmes :

  • Caractéristiques sociodémographiques des enquêtés : âge, niveau d'études, langue parlée, activité, niveau de revenu, accès à l'information via internet et télévision
  • Environnement dans l'enfance et l'adolescence : nombre d'enfants de la mère, résidence avant 16 ans.
  • Environnement actuel : type d'union et caractéristiques du conjoint, nombre d'enfants, contraception (connaissance et utilisation)
  • Intentions de fécondité et normes de fécondité : nombre idéal d'enfants, âge idéal pour avoir des enfants. Ces informations devraient permettre d'estimer la fécondité future.
  • Le questionnaire comporte également un calendrier des naissances.

    Des questions se posent : la forte fécondité guyanaise dans la vallée du Maroni est-elle influencée par l'arrivée de femmes surinamaises ? Les Surinamaises qui résident dans la vallée du Maroni y sont-elles nées et, selon la réponse positive ou négative, leurs normes de fécondité sont-elles différentes ?

    Nous présenterons les facteurs qui ont déterminé, qui déterminent la descendance des femmes vivant dans la vallée du Maroni en Guyane française : déterminants économiques, sociologiques, culturels... Comment s'est constituée leur descendance (intensité, calendrier) ? Combien d'enfants ont les femmes, combien en voulaient-elles, en veulent-elles ? L'accès aux soins et à la prévention (et donc à la contraception) est-il complexe du fait de l'isolement géographique, social ou culturel de certaines femmes ? Quelle est l'influence de leur biographie personnelle : histoire migratoire, situation conjugale...

    L'axe 2 du prochain colloque de démographie de la CUDEP porte sur le poids des migrations et son interaction avec les phénomènes démographiques locaux, les apports des migrations sur la dynamique démographique.

    Cette proposition de présentation s'ajuste à cet axe : quel est le poids des migrations dans le niveau actuel de la fécondité dans la vallée du Maroni, quel sera le niveau à venir de cette fécondité ?

    Les populations bushinengué vivent de part et d'autre du fleuve Maroni ; une partie des familles vit au Suriname et l'autre en Guyane. Pour de nombreux motifs, les familles de Guyane se déplacent au Suriname et vice versa dans une certaine mesure. 

    Cette multi localité des espaces de vie et des endroits fréquentés est une caractéristique des peuples bushinengué. Ces pérégrinations peuvent aussi se transformer en migrations.

    Aussi dans nos questionnaires, plusieurs questions portent sur l'histoire migratoire : où a vécu la personne interrogée dans son enfance ? Quelle est sa nationalité ? Celle de son conjoint ? Quelle(s) langue(s) parle-t-elle ? Quel est son statut sur le territoire ?

    On peut ainsi établir les déterminants de la fécondité selon ces divers critères et analyser l'impact des migrations sur les facteurs influençant le niveau de fécondité dans cette microrégion du Maroni.


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