Quel modèle de décentralisation pour réduire le fort taux de migrants du district d'Abidjan ?
Dakouri Eugene Cyrille Gnalega  1@  
1 : Office National de la Population

La Côte d'Ivoire, de par sa position géographique, son climat relativement diversifié, ses potentialités agro-économiques et son urbanisation est l'objet d'importants mouvements migratoires aussi bien en provenance de l'externe du pays qu'entre les différentes zones du pays. Les migrations externes vers la Côte d'Ivoire commencent véritablement avec la mise en valeur des ressources du pays par la métropole. Quant aux migrations internes, sont très souvent motivées par des raisons d'ordre économiques et de recherche de bien-être et ont été accentuées par cette décennie de crise politico-militaire qu'a connu la pays.

Des résultats du Recensement Général de la Population de 1975 (RGP-75), le premier du genre en Côte d'Ivoire, il apparaît que près de la moitié (47,2%) de la population du pays a été recensée hors de sa localité de naissance. Cette observation a été confirmée par les résultats du RGPH de 1988. Selon cet RGPH, 42% de la population résidente vivait dans une Sous-Préfecture autre que celle de leur naissance. En 1993, les données de l'Enquête Ivoirienne sur les Migrations et l'Urbanisation (EIMU-93) cette proportion de migrants. En effet, 41,3 % des personnes résidentes ont été enquêtées dans une Sous-Préfecture qui n'est pas celle de leur naissance.

La littérature prouve que les flux migratoires sont de plus en plus intenses et diversifiés selon les spécificités des zones de départ et/ou des zones d'accueil mais aussi selon des caractéristiques sociodémographiques et économiques des individus. Cette tendance reste vraie dans le contexte ivoirienne jusqu'à ce jour. En effet, malgré l'aménagement du territoire entamé dès l'indépendance par les pouvoirs publics avec la mise en œuvre de grands projets de développement comme l'Autorité pour le Région du Sud-Ouest (ARSO), l'Autorité pour l'Aménagement de la Vallée du Bandama (AVB), la structuration et l'équipement du milieu rural et le développement des villes de l'intérieures, l'on observe une répartition déséquilibrée de la population du fait des mouvements migratoires et c'est le cas de sa capitale économique. La construction même du port de San-Pedro en 1972 qui s'inscrivait dans un vaste programme de développement destiné à désenclaver la région du sud-ouest, créant ainsi un second pôle de développement sur le littoral en plus d'Abidjan et le choix de la ville de Yamoussoukro comme capitale politique depuis 1983, ont été pratiquement sans impact sur le flux migratoire en direction d'Abidjan.

La population de la ville d'Abidjan est plus affectée par les migrations que celles des autres villes. Au RGPH de 1998, on dénombrait à Abidjan, 57,9 % des résidents migrants, contre 42,1 % de non-migrants. Le fait que la majorité des migrants d'Abidjan soit des immigrants internes (71,3 %) n'est nullement synonyme d'une immigration internationale négligeable. En effet, les immigrants internationaux représentent 28,7 % des migrants. Les résultats de l'enquête nationale sur la situation l'emploi et le travail des enfants réalisée en 2013 par l'Agence d'Etudes et de Promotion de l'Emploi (AGEPE), donne un peu de plus de 47% de personnes enquêtées non natifs de la capitale. Cette baisse par rapport au RGPH de 1998 qui est fait une sous-estimation, peut s'expliquer par le fait que (i) toutes les communes de la ville n'ont été enquêtées, (ii) le référentiel utilisé pour capter la migration, n'est pas rigoureusement le même que celui des RGPH (cela sera discuter dans ma communication portant sur l'axe 1) et enfin, (iii) le contexte de crise politico-militaire qu'a vécu le pays. Par contre avec le dernier RGPH de 2014, la proportion de migrants est nettement au-dessus de 53% dont plus de 79% proviennent des autres sous-préfectures du pays. Comme pour attester que les actions de l'Etat n'ont pas pu réduire cette grande disparité entre les zones du pays.

Cette situation n'est pas sans conséquence sur les conditions de vie des populations : accroissement des bidonvilles, insécurité grandissante, problème de chômage, difficulté de logement, santé précaire, navettes journalières de plus en plus difficile. Comme réponses à cela, le gouvernement actuel a opté pour une continuité de la politique de décentralisation entamée avec l'ex président, la création d'universités dans les grandes villes de l'intérieures et l'accroissement du réseau routier d'Abidjan notamment avec la construction du troisième pont inauguré en décembre 2014.

Ce travail se propose, après avoir dressé leur profil, de trouver les déterminants contextuels et individuels de la présence d'un grand nombre de non natifs dans le district d'Abidjan afin d'orienter les actions de l'Etat dans sa politique de décentralisation et de désengorgement de la capitale économique. A cet effet, la base de données de l'enquête nationale sur la situation de l'emploi et le travail des enfants de 2013, sera exploitée et les informations sur ces migrants seront synthétiser grâce à des méthodes d'analyse descriptive (bivariée et multivariée) pour dresser le profil de ces migrants, et explicative (régression logistique). Notre variable dépendante sera bien entendue, celle donnant le statut migratoire dans le district d'Abidjan.


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