Origines des immigrés : des disparités départementales en lien avec les spécificités des courants migratoires
Alice Mainguené  1@  
1 : Département des statistiques, des études et de la documentation  (DSED)
Ministère de l'Intérieur
Direction générale des étrangers en France Place Beauvau 75800 Paris cedex 08 -  France

En 22 ans, la part des immigrés – personnes nées étrangères à l'étranger – vivant en France a augmenté de 1,4 point : entre 1990 et 2012, cette part est passée de 7,4 % à 8,8 %. Les origines des immigrés ont également évolué : en 1990, la plupart des immigrés sont nés soit au Portugal, soit en Algérie, soit en Italie. Ce n'est plus tout à fait le cas en 2012 puisque les immigrés sont surtout originaires d'Algérie, du Maroc et du Portugal.

Ces constats ne se vérifient pas dans toutes les régions voire tous les départements. Par exemple, le Cantal compte bien moins d'immigrés que la moyenne nationale (2,0 % en 2012). À l'opposé, en 2012 comme en 1990, la Seine-Saint-Denis est le département de France métropolitaine où les immigrés sont les plus présents.

En termes d'origines, certains départements ont leurs spécificités : en Charente et en Dordogne, ce sont les immigrés originaires du Royaume-Uni qui sont les plus nombreux en 2012 ; dans le département des Pyrénées-Atlantiques, ce sont les immigrés originaires d'Espagne. Parfois, ces spécificités existaient déjà en 1990, comme en Moselle, où les immigrés nés en Italie sont très présents.

Pour expliquer ces différences départementales de présence immigrée, d'origines et leurs évolutions, nous utiliserons le recensement de la population 2012, ainsi que celui de 1990. Le recensement donne la possibilité de compter le nombre d'immigrés selon leur origine grâce aux données sur le pays et la nationalité à la naissance. De fait, en France, seule cette source permet une analyse fine des origines et des conditions de vie des immigrés au niveau local, du fait de son exhaustivité (en 1990) ou de son très large échantillon (en 2012).

Le recensement français a été rénové en 2004 et se fonde désormais sur un très large échantillonnage de la population : il reste exhaustif dans les communes de moins de 10 000 habitants et a un taux de sondage de 40 % dans les villes de taille supérieure. Pour cette étude, sera utilisée l'exploitation complémentaire du recensement de 2012, qui correspond à un plus petit échantillon que l'exploitation principale. En effet, le taux de sondage est de 25 % pour les communes de moins de 10 000 habitants et de 40 % pour les villes de taille supérieure. Cette base de données a l'avantage de fournir plus d'informations, notamment sur la profession et la catégorie socioprofessionnelle des personnes interrogées. De même, c'est l'exploitation au quart (taux de sondage à 25 %) du recensement de 1990 qui sera employée.

Dans ces recensements, sont disponibles des informations sur le lieu de vie : le logement, son statut d'occupation (propriétaire, locataire, etc.), son confort mais aussi la commune voire le quartier. De plus, des informations comme l'âge, la nationalité, l'état matrimonial légal, le niveau d'études, l'activité, la profession, le secteur d'activité et le type de contrat de chaque personne habitant au sein d'un même logement sont collectées. Enfin, de par le lien entre le logement et les personnes qui y habitent, on peut également étudier la structure du ménage et la situation familiale de chaque personne. Pour ce qui concerne les immigrés, la durée de présence en France est également renseignée en 2012.

Pour commencer, la part des immigrés en 1990 sera comparée à celle de 2012 dans chaque département, cartes à l'appui. En outre, en 1990 comme en 2012, la principale origine des immigrés sera étudiée. Cela permettra d'avoir une idée des évolutions.

De fait, les différences départementales s'expliquent par différents facteurs. Notamment, la structure économique des départements et leur urbanisation. Du point de vue des origines, il faut se pencher sur les différents courants migratoires et leur ancienneté. De plus, il faut tenir compte de la proximité géographique avec le pays d'origine. En effet, la migration peut être économique ou encore liée aux conflits (guerre civile espagnole) ou aux changements politiques (Révolution portugaise de 1974). Quant aux évolutions différenciées, elles sont dues au vieillissement de ces populations, aux retours aux pays et à l'arrivée de nouveaux immigrés, variables selon le département et l'origine. Ce travail permettra d'infirmer ou de confirmer en partie la théorie de Lee sur le fait que les courants migratoires sont caractérisés par des régions de départ et d'arrivée qui leur sont propres. Il en va de même pour les travaux de Le Bras et Todd sur l'accumulation d'immigrés d'une origine donnée dans certains départements.



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