L'ancienneté résidentielle est-elle ‘explicative' des évolutions de mobilités urbaines ?
Joël Meissonnier  1, *@  , Mathieu Rabaud  1, *@  , Géry Lelièvre  1@  
1 : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement  (CEREMA)  -  Site web
Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie
* : Auteur correspondant

À partir des données d'enquêtes ménages (EMD, standard CERTU) des agglomérations de Lille, Toulouse, Grenoble, Amiens et Nancy, nous montrerons que les mobilités des personnes ayant récemment emménagé présentent un profil particulier. Cette contribution s'intéresse à la sous-catégorie des personnes venant d'emménager (jusqu'à 6 ans avant l'enquête) en ce qu'elle contribue, plus que les autres, aux retournements de tendance qui constituent les principales évolutions de mobilités urbaines en France au cours des dix dernières années (Quetelard, 2008 ; Hubert, 2009 ; Armoogum, Hubert, Roux, Le Jeannic, 2010).

 

Relativement aux comportements d'individus dont les ménages sont en situation de stabilité résidentielle, ceux appartenant à des ménages ayant récemment emménagé font état :

- d'une contribution à la baisse de mobilité (nbre de déplacement/jour/personne) plus grande.

- d'une évolution particulièrement ‘vertueuse' des parts modales (selon les canons de la politique publique de mobilité durable) vers les modes de transports alternatifs à la voiture particulière.

 

Ces étonnantes corrélations entre relocalisation résidentielle et comportements de mobilité doivent être nuancées selon :

- la localisation de la résidence (hypercentrale ou périurbaine)

- la date et l'époque d'emménagement.

 

A l'issue de la présentation des données statistiques, nous apporterons des pistes explicatives à ces étonnants résultats. Nous faisons appel à un corpus de témoignages tirés de deux enquêtes qualitatives réalisées en 2012-13 dans le cadre de la recherche ANR TransEnérgy menées à Lille et Lyon par entretiens semi-directifs. En effet, ces enquêtes portent sur les ressorts des arbitrages résidentiels des ménages, donc sur les décisions de localisation du foyer qui président au renouvellement des routines de mobilité quotidienne.

 

Dans cette seconde partie, nous envisagerons d'abord la possible mutation des systèmes de valeur et des représentations énergétiques qui ferait du déménagement une occasion de réduire une schizophrénie écologique (Labranche, 2011) éprouvée dans un contexte de sensibilité environnementale croissante.

 

Nous envisagerons ensuite la possibilité que les choix de localisation résidentielle puissent être (aujourd'hui, plus qu'hier) en plus grande adéquation avec les destinations du quotidien et l'offre de transport disponible. Cela signifierait que les ménages passeraient d'une recherche d'accessibilité contextuelle (localisation en fonction des besoins d'accès du moment) à une recherche d'accessibilité potentielle (localisation anticipant des besoins d'accès futurs / différents).

 

Nous discuterons enfin la possibilité que des comportements de déplacement d'abord ‘vertueux' s'émoussent avec le temps, au fur et à mesure que l'ancienneté dans le logement augmente. Le déménagement est-il un "key-event" (déclencheur) (Stranbridge, Lyons, Farthing, 2004 ; Verplanken et Aarts, 1999) qui impulse des changements de comportement de déplacement plus vertueux mais éphémères ?

 

Si le statut de « déclencheur » du changement des comportements de déplacement que le déménagement semble avoir se confirme chez des individus emménageant dans les pôles les mieux desservis en transports en commun des métropoles et grandes agglomérations urbaines, il conviendrait d'en tenir compte dans une politique favorisant les modes doux et les solutions alternatives à la voiture. Des politiques publiques ciblées pourraient aisément tirer parti de ce résultat en mettant en œuvre des campagnes de communication à destination de la population ayant récemment emménagé afin de délivrer un message plus facilement audible, compréhensible et convainquant. Elles pourraient alors accompagner, et peut-être pérenniser, une évolution vertueuse des comportements de déplacements vers un usage mesuré de l'automobile. Désormais, c'est moins la pertinence d'une politique de mobilité durable qu'il s'agit de prouver que la possibilité de sa mise en œuvre qu'il s'agit de trouver.



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