Interrelations entre vies familiale, professionnelle et migratoire: le cas des jeunes migrants en Suisse 2011-2014
Jonathan Zufferey  1, *@  , Julie Lacroix  1@  
1 : Université de Genève, Institut de démographie et socioéconomie
* : Auteur correspondant

Introduction et contexte

L'approche du parcours de vie initiée par Elder (1974) a permis de grandes avancées dans la compréhension des phénomènes sociaux. Selon ce paradigme, le parcours de vie d'un individu est composé de différentes étapes et transitions qui façonnent peu à peu la trajectoire de vie. Ces transitions dépendent également de fondements biologiques et psychologiques, ainsi que du contexte historique et social. Par conséquent, les différentes sphères de la vie d'un individu sont en interaction constante pour façonner son parcours. Dans un travail précurseur, Courgeau (1990) montre que les trajectoires migratoires, familiales et professionnelles sont fortement liées et se construisent simultanément. Notre communication se propose de mettre à jour ce constat en déconstruisant le séquencement des dynamiques familiales, professionnelles et migratoires parmi les jeunes migrants internationaux arrivant en Suisse.

La recherche académique a déjà pu mettre en lien la mobilité et les dynamiques familiales (Kulu et Milewski 2007; Aybek et al. 2015) ou les migrations et les parcours professionnels (Hedberg et Tammaru 2008; Flippen et Parrado 2015) ou encore les trajectoires familiales et le monde du travail (Pollock 2006; Bono et Weber 2012), mais les contributions qui tiennent compte de la famille, de la mobilité et de la carrière sont en revanche beaucoup plus rares (Clark et Withers 2009). Notre recherche a justement pour objectif de mieux comprendre les articulations entre ces trois composantes, et déterminer comment ces dimensions s'expriment mutuellement. Nous nous focalisons sur la sous-population des migrants internationaux car ils débutent une nouvelle trajectoire à leur arrivée dans la société d'accueil.

La Suisse représente un parfait laboratoire pour caractériser la diversité des parcours de vie après une migration. Alors qu'un grand nombre de migrants ne font que transiter dans le pays, notamment pour des raisons professionnelles, une large part s'y installe, fonde une famille, transite d'un emploi à l'autre et d'un logement à un autre. La migration internationale peut ainsi être interprétée comme un évènement critique, perturbant l'enchainement des évènements constituant la vie familiale, professionnelle et résidentielle. Cette population, déjà mobile, est appelée à connaitre de nombreuses transitions en début d'établissement liées, entre autres, à des processus d'adaptation, d'ajustement ou encore de rattrapage.

 

Données et méthode

Pour cette recherche, nous allons nous appuyer sur une base de données nouvellement créée (Steiner et Wanner 2015) permettant un suivi longitudinal des dynamiques familiales, professionnelles et migratoires. En effet, en décembre 2010, la Suisse a abandonné les procédures classiques de dénombrement de la population par un recensement et a opté pour un système de registres de population permettant d'offrir, en temps continu, les informations démographiques exhaustives de sa population. Cette transition, vers un système qui a déjà fait ses preuves dans les pays nordiques, s'est accompagnée par la mise en œuvre d'un numéro de sécurité sociale qui se retrouve dans différentes bases administratives. C'est dans le cadre d'un vaste projet de recherche (le nccr on-the move) que les registres de populations (mouvements migratoires internes et internationaux, naissances et décès, changements d'état civil) ont été reliés avec les registres du chômage et de la sécurité sociale. De cette base exhaustive, de l'ensemble de la population et des mouvements, nous suivront les immigrants internationaux arrivés en 2011, et alors âgés entre 18 et 34 ans, durant 3 ans.

Par des méthodes d'analyse de séquences de transition (Gabadihno et al 2011; Bürgin et Ritschard 2014), nous serons à même de comprendre les logiques sous-jacentes et les intersections entre les transitions familiales (enfants, mise en couple, mariage, regroupement familial), professionnelles (changement d'emploi, épisode de chômage ou d'inactivité) et migratoires (mobilités inter-régionales, intra-régionales ou internationales). Nous nous proposons de décrire la pluralité des parcours; de suivre les enchainements et leurs fréquences. L'objectif est de voir les simultanéités ainsi que les transitions d'une sphère à une autre.

Nous aspirons à offrir une typologie de la multitude de trajectoires existantes et non pas de mesurer l'impact d'une transition sur une autre, comme cela est souvent rapporté dans les études quantitatives sur la question. Nous serons ainsi à même de distinguer les individus immobiles spatialement, de ceux dont la mobilité est liée au monde professionnel, ou au monde familial ou aux deux. Par cette approche longitudinale qui veut englober les trajectoires dans toute leur diversité, notre contribution apportera un éclairage important sur le parcours de vie des jeunes migrants.

 

 




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