La mobilité des étudiants chinois en Alsace : effets différenciés du sexe sur les parcours de formation
Philippe Cordazzo  1@  , Tana Bao  1, *@  , Isabelle Attane  2, *@  
1 : Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe  (SAGE)  -  Site web
CNRS : UMR7363, université de Strasbourg
Maison interuniversitaire des sciences de l'homme - Alsace 5 allée du Général Rouvillois 67083 Strasbourg Cedex -  France
2 : Institut National d'Etudes Démographiques Paris  (INED)
INED
* : Auteur correspondant

Contexte et Objet :

Depuis une vingtaine d'années, l'augmentation de la mobilité des étudiants et des chercheurs s'est accentuée. L'internationalisation des établissements est mise en concurrence. L'Alsace accueille environ 69 000 étudiants, se classant au cinquième rang des régions françaises (SIDI HIDA DARRAZ, FRYDEL, LEBRE, 2014), dont 20% d'étudiants étrangers.

Au cours des 15 dernières années, le nombre d'étudiants asiatiques n'a cessé d'augmenter. Ce sont les étudiants chinois qui ont contribué le plus fortement à cette croissance, faisant de cette communauté la 2e communauté étudiante étrangère en France derrière les Marocains et en passe de devenir les 1ers, source MNESR 2014). Les étudiants asiatiques représentent 20% de la population étrangère inscrite dans les universités alsaciennes et parmi eux les Chinois 8% (respectivement 1re et 3e communauté pour l'Université de Strasbourg et l'Université de Haute Alsace – source ORESIPE 2015). Les établissements l'enseignement supérieur d'Alsace rayonnent au-delà des frontières régionales et nationales. En 2013, l'Université de Strasbourg compte 8°793 étudiants étrangers représentant plus de 150 nationalités différentes (Source : UNISTRA, 2014). Cela fait de l'Université Strasbourg, la 1re université française en nombre d'étudiants étrangers (Source : MENSR, 2014) depuis sa création en 2009. Phénomène qui n'est pas nouveau puisqu'avant la fusion des trois universités strasbourgeoises, celles-ci faisaient déjà toutes parties des dix universités françaises accueillant la plus forte proportion d‘étudiants étrangers en France).

À l'encontre d'une idée reçue selon laquelle les élèves et étudiants chinois connaîtraient une bonne intégration scolaire en France, les études réalisées dans les universités alsaciennes montrent que les taux de réussite des étudiants asiatiques sont plus faibles que ceux des étudiants français, mais surtout plus faibles que la moyenne des étudiants étrangers (DIALLO, MONICOLLE, 2014; LEDANT, 2015). Depuis les réformes économiques et la libéralisation sociale dans les années 1990, les étudiants chinois sont de plus en plus nombreux à souhaiter étudier à l'étranger, mais la réalisation de ce projet dépend principalement de la capacité de leurs parents à financer leurs études (ZHU, 2006). Dans l'analyse des déterminants de l'adaptation et de la réussite des étudiants chinois dans l'enseignement supérieur français, un biais de sélection doit donc être considéré : celui par lequel les étudiants chinois venant étudier en France ne seraient pas, d'entre tous les bacheliers chinois, ceux affichant les meilleurs résultats.

Les conditions de vie des étudiants chinois en France seront étudiées afin de mettre en évidence les facteurs susceptibles d'avoir un impact sur leur réussite universitaire et leur adaptation à la société française. Leur état de santé de même que leur accès aux soins dans le système français, notamment, seront analysés. Une attention particulière sera accordée à leur santé psychologique, une hypothèse de recherche étant que les étudiants chinois –dont les études à l'étranger représentent des dépenses très élevées pour leurs parents– sont non seulement affectés par l'éloignement de leur famille, mais également animés par le souci d'être à la hauteur de ses attentes. En effet, les bouleversements des structures familiales provoquées par la baisse rapide de la fécondité ont induit une concentration des diverses formes de transmission familiale aussi bien d'un point de vue matériel que symbolique sur une descendance restreinte (Attané, 2011). Aussi, les étudiants chinois sont-ils victimes d'une forte pression familiale et sociale, facteur de stress important. Réussir des études dans un pays étranger lorsqu'on en maîtrise mal la langue est déjà en soi difficile, mais cela l'est d'autant plus dans de telles conditions. Les travaux de Sun Hui Jing (2013) mettent en évidence l'impact de cette pression des parents sur le développement de problèmes de santé, tant sur le plan physique que psychologique.

La perspective de genre sera transversale à l'ensemble des analyses. Nous faisons en effet l'hypothèse que, dans la société chinoise où les rôles sexués restent très différenciés (les fils étant d'emblée projetés par leurs parents dans un avenir de réussite sociale tandis que les filles restent davantage valorisées dans la sphère familiale, voir Attané, 2010), les étudiants et les étudiantes chinois.es en France ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Il est notamment possible que les garçons subissent plus de pressions familiales que les filles. On se posera également la question de savoir si, de ce fait, les garçons chinois réussissent mieux que les filles en France.

Ainsi, l'objet de ce travail est d'apporté des éléments de connaissance et d'analyse des effets différenciés du sexe sur la mobilité des étudiant-e-s chinoi-s-e en Alsace et des conséquences sur leurs parcours de formation.

Données et méthodologie

Ce travail recourra à des méthodes d'analyse quantitatives et qualitatives afin d'étudier le phénomène.

Concrètement, les analyses s'appuieront sur :

Les bases de scolarités des universités alsaciennes où sont inscrits chaque année depuis 2009 entre 500 et 800 étudiants de nationalité chinoise.

Une enquête quantitative par questionnaire menée auprès des étudiants étrangers dans les universités alsaciennes en 2012 (4542 répondants sur les 10 005 étudiants étrangers dont près de 350 étudiants chinois sur les 707 inscrits). Comme l'enquête porte sur l'ensemble des étudiants étrangers, cela devrait permettre notamment de mettre en exergue d'éventuelles spécificités des étudiants chinois.

Une trentaine d'entretiens sur les conditions de vie et d'études auprès d'étudiants chinois (12 entretiens déjà réalisés). Ces entretiens semi-directifs abordent les différentes dimensions de l'objet d'étude.



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