L'analyse de la mobilité quotidienne : Quand les Big Data veulent remplacer les enquêtes mobilité
Lionel Kieffer  1, *@  , Florian Masse  1@  , Yoann Doignon  1, 2@  , Frédéric Audard  1@  , Samuel Carpentier  1@  
1 : UMR 7300 ESPACE  (Étude des Structures, des Processus d'Adaptation et des Changements de l'Espace)  -  Site web
Aix-Marseille Université
29, avenue Robert Schuman 13621 Aix en Provence Cedex -  France
2 : Laboratoire méditerranéen de sociologie  (LAMES)  -  Site web
CNRS : UMR7305, Aix Marseille Université
LAMES - M.M.S.H. 5 Rue du Château de l'Horloge - BP BP647 13094 AIX EN PROVENCE CEDEX 2 -  France
* : Auteur correspondant

Observer la mobilité quotidienne

 Les pratiques de mobilité sont soumises à différents paramètres externes, indépendants de ceux qui arpentent les rues tout au long de la journée. La multipolarisation des espaces d'activités et l'allongement de distances parcourues remettent en question l'organisation des déplacements quotidiens et renforcent les pratiques pendulaires en direction des zones d'emploi. Les transformations des structures urbaines, combinées à celles des infrastructures de transports qui ont permis de se déplacer toujours plus rapidement montrent à quel point il est important de reconsidérer les pratiques mobilités quotidiennes.

 

Différentes méthodes d'enquête pour observer la mobilité

 La lecture de ces évolutions a été rendue possible grâce à la disponibilité de bases de données rendant compte de la mobilité quotidienne des populations. Depuis les années 70, de nombreuses enquêtes ont été effectué sur des portions du territoire français, impulsé par l'état qui a fortement encouragé la production de données sur la mobilité quotidienne. Il existe en France un certain nombre d'enquêtes permettant de recueillir les données de mobilité [Certu, 2002]. Le principal point commun de ces enquêtes est leur standardisation selon une méthode commune élaborée par le Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement (Cerema1).

 L'idéal pour recueillir les données de mobilité quotidienne serait de poser une balise GPS sur chaque enquêté et de leur faire remplir en temps réel toute leur activité. Si ce type de procédé existe bel et bien depuis les années 90 en Amérique du Nord en complément des enquêtes « papier », il n'est présent en France que sur un échantillon fortement restreint et sur un espace limité [Chardonnel, 2010 ; Feidel, 2014]. L'équilibre entre l'exhaustivité de l'échantillon et la richesse de la donnée produite en fonction de l'aire d'étude couverte a toujours été compliqué à trouver. Les choix se font en général par rapport à l'usage que l'on souhaite en faire ou bien selon les moyens disponibles.

 Les deux principaux modes de recueil de données sont de passer des entretiens, soit en face à face, soit par appel téléphonique. Si la première méthode permet d'obtenir des données plus fiables et plus riches, son coût est nettement plus élevé qu'une enquête faite par téléphone. De la même façon, une enquête de type « Cordon » aura un coût de mise en place nettement moins important qu'une enquête ménages-déplacements (EMD) mais sera constitué d'un nombre limité de variables, en particulier sur les caractéristiques socio-économiques des individus (voir Figure 1 : Les différents types d'enquêtes mobilité en France (fichier)).

 

 Les Big Data : Quelle concurrence pour les EMD ?

Aujourd'hui, le coût d'une enquête mobilité se révèle être fortement contraignant pour une collectivité locale, d'autant plus que la participation de l'état est de moins en moins importante. L'objectif est de recueillir une grande quantité de données d'une manière la plus efficiente possible. C'est aujourd'hui possible par le biais des technologies de l'information et de la communication. Fournir une balise GPS à un nombre important d'enquêtés semble irréalisable, pourquoi ne pas utiliser directement celles dont ils sont déjà équipés ? C'est la proposition faite par certains opérateurs téléphoniques français pour répondre à cette problématique. En utilisant les signaux émis par les cartes SIM des smartphones des usagers de leurs réseaux, on peut « retracer » les déplacements quotidiens de ces personnes en temps réel sur une période allant de quelques heures à une année entière (!). L'intégration des Big Data comme successeurs des enquêtes mobilité semble être relativement séduisante du fait que leur coût apparait comme dérisoire comparé à n'importe quel autre mode de recueil des données.

 

Objectif de l'étude : Big Data VS Enquêtes mobilité

 L'objectif de cette communication est double. Il s'appliquera dans un premier temps à comparer les deux types de recueil des données de mobilité. Il s'intéressera notamment aux potentialités et limites liées à ces nouveaux modes d'acquisition de données. En effet, si ces informations offrent la possibilité de travailler plus facilement à l'échelle individuelle, elles n'en contiennent pas moins de limites importantes quant à leur utilisation. Leur condition de production, leur condition d'accès ou, pour partie, leurs limitations éthiques doivent interroger la communauté scientifique, et questionner les méthodologies de chacun dans ses spécialités d'application. Ainsi, nous montrerons les limites du passage à ce nouveau type d'enquête vis-à-vis des populations étudiées, les différentes classes d'âges de populations n'ayant pas un usage homogène dans le domaine de la téléphonie.

L'intérêt de ce travail sera de porter un regard critique sur l'émergence des Big Data dans l'analyse de la mobilité quotidienne en lien avec les évolutions des modes de vie des populations.

 

Bibliographie :

 CERTU (2002),La mobilité urbaine en France : les années 90, CERTU, 103p.

 CHARDONNEL S. et al. (2010), « Analyser les routines dans les emplois du temps par la mesure des concordances d'actogrammes », in Banos A. et Thevenin T. (dir.), Mobilités urbaines et risques des transports, Hermès publications Paris : Lavoisier, pp.23-50.

 FEIDEL B. (2014),« La mobilité révélée par GPS », Netcom, 28-1/2, pp.55-76

 

1 Le Cerema regroupe entre autres le centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu) auparavant chargé d'élaborer les questionnaires d'enquêtes mobilité ainsi que les 8 Centres d'études techniques de l'équipement (CETE) qui jouaient le rôle d'interface locale pour les collectivités territoriales. 



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