La mobilité quotidienne des personnes âgées à l'ère numérique

 Les conditions de vie des personnes âgées d'aujourd'hui sont sensiblement différentes de celles d'il y a encore 20 ans. Des évolutions ont considérablement modifié la façon de vivre : l'avènement de l'automobile, le transport aérien, les NTIC et plus généralement, l'évolution des pratiques quotidiennes.

De plus, l'allongement de la durée de vie et le vieillissement de la population française remettent les besoins des personnes âgées au cœur des problématiques locales. Une adaptation des politiques locales est nécessaire pour répondre aux demandes de cette nouvelle génération de seniors aux besoins différents de la précédente [GART, 2009]. La première génération de séniors (60 ans et plus) qui ont grandi avec l'automobile et ont connu une vie entièrement tournée vers son usage adopteront certainement des comportements différents des générations précédentes.

Les nombre de sorties du domicile demeure stable (supérieur à 1,4) jusqu'à 85 ans. Le fait de devoir quitter le domicile ne semble donc pas être une contrainte pour les seniors. Cependant, leur construction est différente. Les sorties simples (un aller-retour vers un motif unique sans arrêt) représentent près de 70% des sorties des personnes âgées soit une proportion similaire à celle de moins de 25 ans. Elles représentent un tiers des personnes pratiquant ce type de sortie.

 Cette simplification des sorties est révélatrice de l'importance du retour au domicile pour les personnes âgées notamment confirmée par un nombre faible de déplacements aux heures de repas et à partir de 19h. La fonction de repli du domicile reprend ses droits comme cela est le cas pour les moins de 25 ans. Si les personnes âgées réalisent autant de sorties que les plus jeunes, ils doivent faire face à la nouvelle contrainte de retourner au domicile.

Le retard de la démotorisation : Marqueur d'une mobilité différente ?

 Si la mobilité des individus diminue avec l'âge, un seuil est spécifiquement visible aux alentours de 60 ans. Plus qu'une baisse, c'est une véritable transformation de la mobilité quotidienne qui est provoqué par l'arrêt de l'activité professionnelle qui coïncide avec cette période de la vie. Le passage à la retraite est donc le premier marqueur d'une évolution profonde des pratiques de mobilité quotidienne.

 Ces changements dans les pratiques vont être corrélés avec un usage toujours aussi important du véhicule personnel. Le maintien d'un certain niveau de motorisation semble même être une des préoccupations des nouveaux seniors [Pochet, 2003]. L'usage prolongé du véhicule personnel est caractéristique de cette génération de personnes âgées [Drulhe et Pervenchon, 2002]. Les 60-75ans ont grandi avec la voiture, et leur vie professionnelle a été rythmée par son usage, contrairement à la génération précédente. Ainsi, un quart des 75 ans et plus n'ont pas le permis de conduire contre seulement 12% des 60-74 ans.

 Le fait de conserver une mobilité automobile importante reflète l'autonomie plus longue de ces néo-séniors. Symbole social immuable de l'indépendance et de la liberté dans la mobilité, le prolongement de l'usage de la voiture personnelle renvoie à l'importance de ce qu'elle représente pour ces individus. En effet le phénomène de démotorisation, ou abandon de son véhicule personnel, peut être vécu comme une « mort sociale » par l'individu [GART, 2009]. Si l'échéance peut être ainsi repoussée, elle ne peut l'être indéfiniment et les individus doivent alors se tourner vers d'autres modes de transports.

Le report modal : quelles alternatives à l'automobile

 Qu'il s'agisse d'un choix personnel ou d'une obligation liée à une déficience (diminution des capacités psychomotrices), l'abandon de l'usage de la voiture, bien que pouvant provoquer un isolement social et spatial, n'est pas une fatalité en soi. Les alternatives proposées permettent aux personnes âgées de pouvoir conserver une mobilité « normale ». En effet, les individus non motorisés se déplacent autant que ceux qui effectuent au moins un déplacement en véhicule personnel. La marche devient alors un mode majeur pour la mobilité des 60 ans et plus. Les distances parcourues à pied par jour dépassent 1,5 km en moyenne pour une personne âgée contre un peu moins d'un kilomètre pour les plus jeunes.

La mobilité pédestre implique un recentrage des lieux d'activités autour du domicile et une certaine forme de repli sur des espaces de proximité. Ce nouvel élément vient poser la question des espaces de vie des seniors, en particulier ceux résidants en milieu rural.

Objectifs de la communication

 L'objectif de ces travaux est de mettre en avant les évolutions des formes de mobilités des personnes âgées. Différentes des générations précédentes, ces « nouveaux seniors » conservent un usage intensif de la voiture, reproduisant des schémas de déplacements issus de leurs modes de vie d'actifs. Sur la base de l'analyse de l'enquête ménage déplacement (EMD) de l'Aire urbaine toulonnaise, nous allons montrer comment se traduisent ces évolutions d'organisation comportementale. Nous montrerons en quoi la voiture occupe ainsi une place bien plus centrale et impacte les logiques résidentielles. Vivre en périphérie tout en ayant accès aux fonctionnalités de la ville est possible dans une certaine mesure, marquant une différence essentielle entre les différentes générations de personnes âgées.

Bibliographie :

 DRULHE et PERVENCHON (2002), “ Vieillir et conduire : usages et représentations ”, Rapport final de recherche, fondation MAIF, Convention de recherche : Projet n°23, 93p.

 GART (2009), La mobilité des seniors, Besoins de déplacements liés au vieillissement de la population, publications du GART, 42p.

 POCHET P. (2003), Mobilité et accès à la voiture chez les personnes âgées Évolutions actuelles et enjeux, recherches transports sécurité n°79 Avril-Juin 2003, LET, 22p.