L'immigration étrangère en Guyane : quels impacts sur les dynamiques démographiques et familiales ?
Franck Temporal  1@  , Didier Breton  2@  , Claude-Valentin Marie  3@  
1 : Centre population et développement  (CEPED)  -  Site web
Université Paris V - Paris Descartes, Institut de recherche pour le développement [IRD] : UR196
CEPED - 19 Rue Jacob - 75006 Paris -  France
2 : Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe  (SAGE)  -  Site web
CNRS : UMR7363, université de Strasbourg
Maison interuniversitaire des sciences de l'homme - Alsace 5 allée du Général Rouvillois 67083 Strasbourg Cedex -  France
3 : Institut National d'Etudes Démographiques Paris  (INED)
INED

Contexte

L'île de Mayotte, devenu le 101ème département français en mars 2011, forme, comme la Guyane, un Département et une région d'outre-mer (DROM). Ces deux territoires lointains et contrastés, situés pour l'un dans la partie amazonienne de l'Amérique Latine (Guyane), pour l'autre dans l'Ouest de l'Océan Indien (Mayotte), ont en commun d'être parmi les moins peuplés des départements français (respectivement 84e et 89e avec 234 000 et 212 000 habitants en 2012). Ils affichent cependant des taux de croissance démographiques records, dépassant les 3 % de croissance annuelle, très loin de la moyenne nationale (+0,4 %), principalement lié à son accroissement naturel mais aussi, de manière directe et indirecte aux flux migratoires. En effet, d'une part, l'immigration étrangère en provenance des pays voisins a été forte ces dernières décennies, venant d'Haïti, du Brésil et du Surinam en Guyane et des Comores mais aussi de Madagascar et récemment d'Afrique continentale à Mayotte. Actuellement la proportion d'immigrés est très haute dans ces deux départements (environ 30 % de la population générale, bien plus dans les tranches d'âges adultes). D'autre part, les comportements reproductifs sont différents, la fécondité est plus haute pour les populations immigrées. En miroir de ces flux d'immigration, de nombreux natifs de ces départements, de nationalité française, quittent le territoire pour rejoindre la métropole, à tel point que le solde migratoire à Mayotte a été négatif entre 2007 et 2012. Ces deux mouvements, couplés à une fécondité différentielle font que les populations de la Guyane et de Mayotte sont en recomposition constante.

Quels sont les apports directs et indirects de la migration sur la dynamique démographique et les structures par âge de ces départements ? Quelles pourraient être la taille et la composition de la population de ces deux départements à l'horizon 2050 ? Les comportements de fécondité différentiels des populations non natives le sont-ils pour toutes les sous-populations selon leur origine ? Au-delà des comportements féconds, les populations immigrées adoptent-elles des modèles familiaux spécifiques ? Quelles sont leurs structures familiales ? La taille et la composition de leurs ménages se distinguent-elles de celles de la population native (cohabitations intergénérationnelle ou familiale, vie de couple, etc.)? Observe-t-on des différences entre ces territoires ou, au sein de chacun, des différences liées à l'origine, à la période d'arrivée ou encore aux caractéristiques sociodémographiques des individus ou au contraire existe-t-il des points communs ?

Autant de questions qui serviront de fil directeur à cette recherche dont l'ambition est d'améliorer la connaissance des liens entre immigration, croissance démographique et dynamiques familiales.

 

Méthode et sources

Pour répondre à ces questions, nous mobiliserons principalement les données des fichiers détails du recensement de la population 2012, communs pour la première fois à Mayotte et à l'ensemble des autres départements de France. A Mayotte, les recensements sont encore exhaustifs et se déroulent tous les 5 ans. Le dernier date de 2012 et le fichier détail individu va être mis à disposition avant la fin de l'année 2015. En 2012, nous disposerons donc pour la première fois des fichiers détails de l'ensemble du territoire national, opportunité que nous comptons bien mettre à profit. L'autre source de données utilisées sera celle de l'état civil et plus précisément des naissances[1].

Nous procéderons en trois temps :

- Nous adopterons dans un premier temps une perspective de stock et montrerons la part des populations immigrées dans chacun des départements et analyserons les structures familiales des ménages en distinguant celles dont le chef est natif de celles dont le chef n'est pas natif.

- Dans un deuxième temps nous mènerons une analyse de fécondité différentielle des populations natives et non natives, d'abord en utilisant la méthode classique (état civil / Recensement) puis en utilisant la méthode DEF. Une fois cette dernière validée, nous pourrons juger de l'effet différentiel de fécondité une fois contrôlées certaines variables socioéconomiques et culturelles.

- Enfin, nous proposerons les résultats de projections démographiques à l'horizon 2030 et 2050 selon différents scénarii en tenant compte à la fois des flux d'immigration et des comportements différentiels de fécondité.


[1] L'Etat civil des naissances à Mayotte est désormais de bonne qualité et publié. Ce n'est pas le cas de celui des décès, très largement sous-estimé. 


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